Workwear, des transformations à la chaîne
Si le workwear a connu une croissance soutenue durant la crise sanitaire, il poursuit son développement depuis lors. Un dynamisme économique qui s’explique notamment par les transformations engagées au cours des dernières années. Travail sur l’esthétique et le confort, impact dans la communication des entreprises, implication RSE grandissante, ouverture des circuits de distribution : le monde du vêtement de travail évolue sur tous les plans. De quoi ouvrir de nombreuses opportunités commerciales pour l’ensemble des acteurs du marché textile.
La bonne tenue du workwear se confirme. Ce segment, qui rassemble les produits textiles professionnels destinés, pour l’essentiel, à protéger l’intégrité physique des travailleurs, a connu une croissance notable pendant la pandémie. Une raison essentielle explique cet état de fait : le souhait des entreprises de protéger leurs salariés face au risque sanitaire, en leur offrant de nouveaux vêtements de travail. Et au sortir de la crise, le développement du marché s’est poursuivi. « L’épisode du Covid n’a pas été un feu de paille. La prise de conscience de l’importance de prendre soin des salariés s’est installée durablement », explique Christophe Lardy, CEO de New Wave France.
700 MILLIONS D’EUROS
Traditionnellement, ce sont les changements réglementaires qui tirent le marché du workwear. Celui-ci enregistre, en moyenne, entre 3 et 4 % de croissance annuelle. « Cette dimension légale a toujours existé, mais elle ne cesse de se durcir, afin d’assurer une protection optimale aux travailleurs », constate Julien Bourgault, brand manager WK chez Kariban Brands. Un autre facteur de développement émerge par ailleurs ces derniers mois : le marché des particuliers. De grandes enseignes de bricolage comme Leroy Merlin ou Castorama proposent à présent des rayons entiers dévolus aux vêtements de travail et aux équipements de protection individuelle (EPI). Des surfaces de 200 ou 300 m² en magasin inimaginables quelques années en arrière, mais qui se justifient aujourd’hui par l’envie des Français de s’équiper de vêtements spécifiques pour bricoler ou jardiner à la maison. Conscients du potentiel du marché des particuliers, les loueurs professionnels et les négociants en matériaux de construction, tels que Kiloutou et Big Mat, attaquent également cette cible. Résultat, on estime le marché français du vêtement de travail à 700 millions d’euros.
LA FIN DU BLEU DE TRAVAIL
Si les circuits de distribution évoluent, c’est aussi le cas des produits. « On ne peut plus se permettre d’offrir aux porteurs des vêtements bleu Bugatti », pose Marc Boulongne, responsable commercial France du fabricant danois Engel Workwear. Le fameux bleu de travail, symbole historique du travail manuel, a en effet disparu ou presque des chantiers et des usines. Si la protection et la sécurité restent primordiales, l’esthétisme est devenu une réelle préoccupation. Les coupes se sont affinées, les couleurs se font moins typées – même si certains corps de métier conservent des codes historiques, tels que la couleur verte pour les jardiniers et paysagistes. Une façon de fidéliser les salariés et d’attirer de nouveaux collaborateurs, dans un contexte où le travail manuel attire peu les jeunes générations. Encore parfois vécu comme une contrainte, porter un vêtement de travail se voit plus facilement accepté quand il s’accompagne d’un certain sens esthétique. « Un vêtement bien coupé, mettant davantage en valeur le porteur, encourage la fierté au travail et le sentiment d’appartenance à une entreprise. On en prend également plus soin au quotidien, ce qui allonge sa durée de vie », analyse Thierry Pique, dirigeant de Colbleu, revendeur dans le nord de la France. Les codes vestimentaires du workwear se rapprochent désormais de ceux du prêt-à-porter. A tel point que certaines pièces peuvent être portées en dehors du cadre du travail. « Les barrières tombent entre workwear et textile traditionnel, affirme Julien Bourgault. Les ouvriers portent des vêtements aux coupes plus près du corps. Il s’agit d’être plus élégant, tout en gagnant en confort. »
TECHNIQUE ET CONFORT
Encore un non-sujet ou presque il y a quelques années, le confort au travail est à présent au cœur des attentes des employés. Les fibres élastiques se sont largement diffusées dans les catalogues des fournisseurs de workwear. Les pantalons, best-sellers du secteur, ont été particulièrement impactés. « Les nouvelles matières offrent une plus grande liberté de mouvement, donc plus de sécurité également. Et on y intègre des renforts en Cordura et en Kevlar pour plus de résistance et de robustesse », précise Erwan Cordier, responsable commercial chez Texet France, fournisseur de la marque suédoise ProJob. Les shorts, conçus avec les mêmes qualités mécaniques que les pantalons, sont également apparus sur les chantiers depuis quelques années, pour rendre les journées estivales plus supportables. Quant aux t-shirts, ils sont confectionnés avec des tissus respirants, inspirés du sportwear. Dans cette quête de confort, les femmes, qui représentent 11 % des effectifs dans le secteur du BTP en France selon l’INSEE, ne sont pas oubliées. Jusqu’à une époque récente, les femmes portaient les mêmes tenues que les hommes, mais cette époque est révolue. Tous les fournisseurs de workwear, en particulier les scandinaves, précurseurs sur le sujet, proposent une collection dédiée aux femmes, avec des coupes adaptées. Ce sera le cas des EPI à venir de Kariban Brands, qui intégreront la gamme WK en 2024.
OUTIL DE COMMUNICATION
Qu’il soit corporate ou EPI, le vêtement de travail est devenu un important outil de communication externe pour les entreprises, à même de valoriser leur image auprès des clients. « Quand un technicien Vinci vérifie une installation en entreprise ou chez un particulier, il porte un polo et un pantalon élégants, marqués du logo de la société. Au-delà d’une identification claire de l’interlocuteur, cela rassure également les clients », explique Christophe Lardy. Une tendance à la personnalisation qui n’est plus l’apanage exclusif des grandes structures. Les PME se sont également laissé séduire, dans une optique commerciale. « Il y a dix ans, il était accepté qu’un artisan intervienne avec un jean tâché de peinture, constate Erwan Cordier. Mais aujourd’hui, la communication est essentielle, même pour les petites entreprises. Donc elles développent aussi leur image de marque et leurs propres codes graphiques, qui se déclinent sur des t-shirts et des pantalon personnalisés ». En termes de techniques de marquage des vêtements,la broderie est très demandée, en raison de son aspect plus qualitatif et de sa résistance au lavage industriel. Mais tout dépend des pièces. « L’accessibilité des emplacements de marquage, la matière et la taille des vêtements influent sur la technique utilisée. Selon les cas, la broderie, le transfert ou la sérigraphie peuvent être appropriés », précise Xavier Andiole, gérant de MTS Sérigraphie.
LE DÉFI DE LA RSE
A l’instar du marché de l’objet média dans son ensemble, la RSE prend une place de plus en plus grande dans les demandes de workwear. « Depuis 2020 et le vote de la loi AGEC, les collectivités locales et les services publics connaissent des contraintes plus fortes sur leurs achats, les poussant vers des produits plus responsables, avance Julien Bourgault. Il existe une tendance de fond sur la RSE, avec une demande du marché, mais des dispositifs réglementaires accentuent le mouvement. » Une orientation pas toujours évidente à suivre. Car si les vêtements de travail corporate, du type tabliers et t-shirts, sont de plus en plus produits en Europe – Kariban Brands propose par exemple des références Origine France Garantie -, les vêtements les plus techniques sont bien souvent produits en Asie, par manque d’outils de production ou d’expertise au niveau européen. « Engel possède deux usines en nom propre en Lituanie, mais nous sommes néanmoins obligés de compléter notre production avec des usines plus lointaines », confie Marc Boulongne. Enfin, la durabilité de certains composants des vêtements représente aussi un défi de taille pour les fournisseurs de workwear, mais sur lesquels ils ont peu de prise. « En attendant l’apparition du Kevlar écoresponsable, nous agissons sur les éléments que nous maîtrisons, comme la diffusion toujours plus large du polyester recyclé et du coton bio », assure Christophe Lardy.
Source des visuels : New Wave, Kariban Brands, Engel Workwear.