Il est coutume d’entamer l’année par un regain d’énergie et de bonnes résolutions. Cette année, je n’ai étrangement pas la motivation de m’inscrire à la salle de sport, ni envie de restreindre l’apéro du jeudi soir. Et si au lieu de cela, notre ambition était plus forte : inviter notre marché, et en particulier nos clients, à la cohérence !
Par CÉCILE FOUGEROUSE, co-fondatrice de DREAM ACT PRO
On traverse depuis quelques mois une période instable dans notre économie française en général, et dans notre marché en particulier. L’incertitude crée des baisses de budget, qui crée à son tour une baisse des carnets de commandes, qui entraine alors encore plus d’incertitude… et ainsi de suite.
Si tout le marché semble touché, dans différentes mesures, les entreprises du made in France vivent plus difficilement encore cette période. Pourquoi ? Marges plus faibles, peu de réserve de trésorerie, difficultés à recruter et trouver des savoir-faire, reprise des remboursements des PGE : ce sont ces douces rengaines qu’on entendait dans les allées du salon du Made in France en novembre dernier. Alors que l’affluence sur ce salon n’a jamais été aussi forte, les fabricants français n’ont jamais été aussi près du dépôt de bilan. Paradoxe.
Je ne suis pas préoccupée de cette situation par chauvinisme ou dogmatisme. Je suis préoccupée parce que laisser tomber aujourd’hui une entreprise qui produit en France, c’est accepter le chômage de demain, la perte définitive de certains savoir-faire et l’augmentation du poids carbone d’objets qui vont devoir traverser la planète. Quelle incohérence pour notre époque !
Nous sommes tous consommateurs, donc nous avons tous un rôle à jouer. Mais il serait pertinent que les acteurs de la commande publique montrent l’exemple. Quand des policiers municipaux roulent en Tesla, quand des écoliers portent des uniformes scolaires fabriqués au Bangladesh ou au Pakistan, quand les fonctionnaires écrivent avec des stylos fabriqués en Chine, les fabricants français sont en droit de ne pas se sentir soutenus.
En lisant les contraintes et les demandes des appels d’offres publics nous pouvons être tentés d’écrire un bêtisier des pépites d’incohérences rencontrées ! Qu’on nous réclame du made in France au prix du made in China, on a l’habitude. Mais qu’on nous exige toutes les caractéristiques d’un produit ne pouvant être fabriqué qu’en Asie, en demandant que le produit soit français, ça pousse tout le marché à répondre avec des allégations abusives. Un produit marqué en France n’en fait pas pour autant un produit fabriqué en France. Ça n’en fait pas non plus, à mon avis, un produit à bannir.
Fabriquons, distribuons et consommons avec intelligence, transparence et cohérence. Une Tesla pour un chauffeur Uber, ou un chef d’entreprise, c’est très bien. Une Tesla pour un fonctionnaire, c’est un aveu de faiblesse de l’Etat français sur sa capacité à soutenir son industrie automobile de demain. Je vous laisse faire le parallèle pour notre marché…
Restons cohérents, notre marché a de nombreux savoir-faire qu’il faut connaître et exploiter. Nous ne rendons pas service à nos ateliers en leur demandant de deviser et de fabriquer des produits pour lesquels ils ne sont pas structurés. Faisons en France ce que nous savons bien faire et, pour le reste, posons-nous les vraies bonnes questions sur la pertinence des produits. Il n’est pas raisonnable et surement pas souhaitable de se dire que nous allons tout faire en France. Achetons juste au bon endroit, les bons produits, c’est comme cela que nous soutiendrons au mieux nos ateliers.
Espérons donc qu’en 2025, même si les budgets sont resserrés, l’argent public soit mieux ciblé… vers des commandes qui soutiennent les emplois et les savoir-faire dans nos régions.