Pourquoi faut-il redéfinir l’utilité des objets média

Une tribune de Florian Escoubès, enseignant-chercheur à l’ICD Business School, et Alexis Krycève, dirigeant de Gifts for Change.

L’objet média traverse actuellement une crise de légitimité. À l’heure où les enjeux environnementaux et sociaux dominent le débat public, certains dénoncent son inutilité supposée et appellent à son interdiction. Cette critique, bien qu’extrême, traduit un malaise plus général : l’objet média serait superflu, voire nuisible, relégué au rang de « déchet publicitaire ». Critère central pour les clients, l’utilité des objets reçus représente l’attente majeure des receveurs, mais que cache cette notion si souvent mise en avant, mais trop rarement définie ?

À première vue, la réponse semble évidente : un objet utile est un objet dont on se sert. Mais cette définition, empruntée au sens trivial de l’utilité, passe à côté de sa richesse conceptuelle. L’utilité ne saurait être réduite à une fonction mécanique, elle relève d’une relation plus complexe entre l’objet et son utilisateur, où s’entrelacent la fonction, l’émotion, le contexte et les valeurs. À l’heure où les entreprises repensent leur rôle dans un monde en quête de durabilité et de sens, cette tribune explore comment l’utilité, enrichie par le design, peut réinventer les objets média pour en faire des outils pertinents, appréciés et responsables.

L’utilité des objets média : une expérience multidimensionnelle

Parler d’utilité, c’est ouvrir une réflexion sur les multiples façons dont un objet peut répondre aux attentes de son utilisateur. Bien sûr, l’utilité pratique reste essentielle : une gourde qui hydrate, un tote bag qui transporte, un stylo qui écrit. Ces objets s’inscrivent dans le quotidien en facilitant des gestes simples. Mais limiter l’utilité à cette seule fonction pratique revient à ignorer la complexité des relations que nous entretenons avec les objets. Comment définir alors l’utilité d’une photo souvenir ou d’une affiche de film, si l’on se limite à cette vision minimaliste de l’utilité ?

Certains objets nous touchent, non par ce qu’ils font, mais par ce qu’ils représentent. Une médaille remise à la fin d’une compétition sportive, un t-shirt collector d’un événement marquant : ces objets n’ont pas qu’une valeur sentimentale, ils participent à l’écriture de nos souvenirs, transformant un simple objet en un vecteur d’attachement durable.

D’autres objets trouvent leur utilité dans leur capacité à nous relier aux autres. Porter les couleurs d’une équipe de football ou afficher un bracelet de soutien à une cause sont autant de manières de signaler son appartenance à une communauté. Ici, l’utilité est sociale et identitaire : l’objet dépasse son usage principal pour devenir une preuve tangible d’une solidarité, d’une passion partagée.

L’utilité peut également se faire symbolique, voire pédagogique, lorsque l’objet incarne des valeurs ou porte un message. Un objet écoresponsable, fabriqué localement à partir de matériaux recyclés, peut dépasser sa fonction pour devenir un ambassadeur de pratiques durables. Il ne se contente pas d’être utile à son utilisateur : il est utile à plusieurs parties prenantes, voire à la société et aux générations futures, en contribuant à une consommation plus respectueuse des ressources.

Le design, clé de voûte de l’utilité

Si l’utilité se décline en autant de dimensions, c’est souvent le design qui en fait la synthèse. Bien conçu, un objet rend son usage intuitif et naturel. Ce concept, que les théoriciens appellent l’affordance, désigne la capacité d’un objet à suggérer sa fonction par sa seule apparence. Une poignée bien placée, une forme ergonomique, une texture agréable : ces détails ne relèvent pas de l’esthétique, mais de l’intelligence fonctionnelle.

Un bon design ne se contente pas de faciliter l’usage, il suscite également le désir. L’esthétique fonctionnelle, en rendant l’objet agréable à regarder ou à toucher, incite à sa conservation. Un accessoire de bureau dans un beau matériau aux couleurs élégantes ou un carnet magnifiquement illustré deviennent des objets que l’on chérit et que l’on utilise régulièrement.

Enfin, le design peut amplifier l’utilité d’un objet en lui donnant une polyvalence ou une durabilité. Les consommateurs plébiscitent aujourd’hui les objets qui durent : une gourde en acier inoxydable ou un sac transformable ne sont pas seulement pratiques, ils véhiculent une promesse de longévité et de respect des ressources. L’éco-conception fait du design un levier d’utilité sociale et écologique, en alignant les attentes individuelles sur les enjeux collectifs.

L’utilité des objets média comme réponses aux critiques

De nombreuses critiques qui se concentrent sur l’objet média pourraient-elles tout autant concerner les autres moyens de communication ? La publicité TV ou digitale, leader hégémonique du marché de la communication, n’est pas sans conséquence : sa surproduction sature les esprits et son empreinte carbone est élevée. En comparaison, un objet bien conçu, durable et utilisé régulièrement offre un impact environnemental bien moindre.

Ensuite, l’utilité est une notion éminemment subjective. Ce qui semble superflu pour certains peut être essentiel pour d’autres. L’émotion, la mémoire ou l’appartenance sont des dimensions qui ne se mesurent pas en termes purement utilitaires, mais qui participent à donner du sens à nos interactions avec les objets.

Enfin, l’objet média peut être un levier puissant pour les entreprises dans leur stratégie RSE. Un objet traçable, fabriqué dans des conditions respectueuses de l’environnement et des travailleurs, devient un outil de communication qui transcende sa fonction initiale pour incarner les valeurs de la marque.

Conclusion

L’utilité des objets média n’est pas une vérité univoque, mais un prisme à travers lequel se reflètent nos attentes, nos émotions, et nos valeurs. En 2025, la question n’est pas de savoir si ces objets sont encore pertinents, mais de les réinventer pour qu’ils répondent pleinement à la richesse de ces attentes. Bien pensés, les objets média ne sont pas de simples outils fonctionnels. Ils deviennent des vecteurs d’émotions, des symboles d’engagement, et des témoins de liens sociaux. Pour les professionnels de la communication, le défi est aujourd’hui de faire de chaque objet une expérience durable et mémorable pour chaque receveur. C’est à cette condition que l’objet média démontrera qu’il est peut-être le plus utile des moyens de communication.