Cybergroup International : un modèle pour l’industrie mondiale
Le rédacteur en chef de PPAI Magazine, Josh Ellis, s’est rendu, cette année et pour la première fois, sur le salon CTCO. Parmi les objectifs de sa visite figurait une rencontre avec Steven Baumgaertner, le dirigeant allemand de Cybergroup international, un des distributeurs majeurs en Europe. Cela ne s’est pas passé tout à fait comme prévu, mais le journaliste a néanmoins été impressionné par l’engagement des Européens en matière de durabilité. Un exemple à suivre, selon lui, pour le marché américain.
Ils m’ont envoyé en France.
Le salon CTCO de Lyon est l’occasion de rencontrer des pairs, de discuter de partenariats avec des dirigeants d’associations professionnelles de toute l’Europe, de passer de bons moments avec les quelques Américains ayant fait le voyage et de réaliser l’interview qui constituera l’épine dorsale de ce reportage.
Mon sujet est Steven Baumgaertner.
Son nom n’est pas connu de tous les professionnels américains de l’industrie promotionnelle, mais il possède ce statut dans son pays et au sein de l’industrie promotionnelle européenne. Il est le PDG de Cybergroup International, une entreprise basée à Heidelberg, en Allemagne, qui s’affirme comme le plus grand distributeur du pays.
M. Baumgaertner est probablement la personnalité la plus influente dans le domaine des produits promotionnels en Europe. Il s’agit d’un entrepreneur qui, avec son partenaire fondateur Roman Weiss, a lancé son entreprise depuis le sous-sol d’une maison il y a une trentaine d’années. Ils ont évolué, pris de l’ampleur et se sont constitué une clientèle de grandes sociétés multinationales. Outre l’Europe, Cybergroup travaille en Chine, au Moyen-Orient et aux États-Unis.
Le plus intéressant pour moi, et un facteur clé qui lui a valu d’être classé 34e dans le top 100 PPAI 2024, c’est que Cybergroup se positionne à l’avant-garde du développement durable parmi tous les distributeurs mondiaux. Le groupe s’associe à des fournisseurs pour trouver le moyen de recycler les matériaux utilisés et d’économiser les ressources pendant la production.
J’ai beaucoup appris sur Baumgaertner et sur l’entreprise depuis que la PPAI a pris la décision d’inclure des membres non américains dans la liste de cette année. Peu de temps après, nous avons constaté que Cybergroup se classerait en tête. C’est un nouvel angle intéressant pour raconter l’histoire du top 100 PPAI, et une bonne raison pour moi de me rendre à Lyon.
Et je suis heureux d’y être enfin. Quinze heures après avoir franchi les contrôles de sécurité à l’aéroport de Dallas-Fort Worth, une carte en bambou déverrouille ma chambre d’hôtel. J’entre, je dépose mes affaires près de la porte et j’allume la lumière. Rien. Je fais plusieurs fois la même chose avant de me rendre compte qu’il se passe quelque chose.
Oh. C’est l’un de ces endroits où on vous oblige à mettre la carte magnétique dans une petite fente pour ne pas gaspiller l’électricité. Il n’y a pas non plus de bouteilles d’eau dans la chambre. Une carte laissée sur le bureau encourage les clients à se resservir à la fontaine du couloir.
Et c’est là que je me rends compte que lorsque les gens de notre secteur affirment que l’Europe possède cinq ou dix ans d’avance sur les États-Unis en matière de développement durable, ils ne parlent pas seulement de l’industrie des produits promotionnels. Ils parlent de tous les secteurs et de tous les gens.
Dans le petit taxi économe en carburant qui me conduit au hall d’exposition avant l’ouverture du salon, je reçois un email décevant :
Cher Josh,
En raison de grèves en Allemagne, mon vol de retour de Lyon est annulé et je ne pourrai pas me rendre sur place. Je suis vraiment désolé.
Amuse-toi bien à Lyon.
Steven
J’ai traversé un océan pour cette interview. Mais dans le cadre d’un reportage portant sur la mondialisation et l’impératif de durabilité de notre industrie, c’est un effort qui me semblait approprié.
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Mon voyage à Lyon a donc eu une seconde vie, en quelque sorte. Je me suis bien amusé. Et j’ai tenu d’autres réunions importantes sur des projets à venir. Au cours des semaines suivantes, je me suis assis à la table de ma salle à manger pour deux longs appels avec Steven Baumgaertner.
Nous nous étions déjà rencontrés à la PPAI Expo 2024. Lors d’un dîner que j’avais organisé pour une vingtaine de dirigeants de haut niveau, il était assis au bout d’une longue table, écoutant principalement ses homologues américains. Lorsque la conversation porta sur la responsabilité des distributeurs afin de guider les acheteurs finaux vers des produits plus durables, il s’est exprimé avec conviction. Sa société ne donne pas le choix à ses clients, elle leur présente uniquement les options les plus durables disponibles auprès de ses fournisseurs.
« Nous éduquons vraiment nos clients, me dira plus tard M. Baumgaertner. Pour le même budget, ils devraient acheter moins, mais de meilleurs objets, au lieu de gaspiller leur argent en sélectionnant des produits bon marché et de mauvaise qualité. »
Lors du dîner, deux dirigeants de grands distributeurs américains affirment que leur rôle n’est pas d’imposer une éthique, mais simplement de livrer ce que le client veut, rapidement et avec une marge financière. Il s’agit là d’une vision capitaliste, bien sûr, qui contribue peut-être au fait que l’industrie promotionnelle américaine est deux fois plus importante que celle de l’Union Européenne.
La méthode de Cybergroup est plus complexe. Elle exige une approche personnalisée du service à la clientèle et un travail fastidieux auprès des fournisseurs : faire confiance et vérifier. M. Baumgaertner et M. Weiss, le directeur financier, admettent volontiers que cela représente un coût que leur entreprise n’a pas encore amorti. Mais tous deux sont convaincus que cette démarche sera payante à long terme.
La même volonté de faire des choses complexes, en oubliant les résultats immédiats, se ressent dans les tentatives d’expansion internationale de l’entreprise. Elle connaît un succès fulgurant en Allemagne, mais la croissance à l’étranger est lente. Les différences culturelles avec les clients américains potentiels représentent une source de frustration pour M. Baumgaertner.
Au total, le chiffre d’affaires de l’entreprise atteint 50 millions de dollars en 2023, et ses ventes ont plus que doublé après une année 2020 marquée par la pandémie. Cette performance lui a valu une distinction « High Marks » dans la catégorie Croissance du top 100 PPAI, en plus de ses « High Marks », bien sûr, pour la Responsabilité. Parmi ses clients figurent des entreprises telles que Porsche, Audi et la Deutsche Bahn, les chemins de fer allemands.
Kjell Harbom, un pilier de l’industrie en Europe, affirme : « Si vous allez voir Steven ou sa société et que vous dites : « Nous avons besoin de 1 000 stylos », ils vous répondent : « Désolé, donnez-nous votre plan de marketing pour les 12 prochains mois et nous vous dirons ce dont vous avez besoin. Ne nous demandez pas de stylos. »
« Pour les grandes entreprises, c’est le paradis. Elles n’ont pas de petits clients. Elles ont de gros clients, et ces derniers sont très attachés à la durabilité. »
Décrocher des comptes importants permet une approche plus ciblée du service client. « Il connaît si bien ses clients qu’il sait comment leur proposer l’objet convenant à leur entreprise, à leur objectif, à leur campagne, explique Petra Lassahn, directrice du salon professionnel allemand PSI. Il fourmille d’idées. C’est un créateur. Et il est très professionnel, très à cheval sur les détails. Il sait très bien ce qu’il fait. »
Baumgaertner est le visage de l’entreprise, mais personne ne peut tout faire seul. Cybergroup emploie environ 215 personnes dans le monde, dont une centaine en Allemagne. Weiss est le numéro 1 bis de l’entreprise depuis le début. Ils se sont rencontrés au début des années 90, alors qu’ils étaient camarades de classe, et ils ont gagné leur premier contrat ensemble en vendant des t-shirts portant le slogan de leur classe.
« Nous sommes toujours proches, affirme Weiss. C’est juste différent. Je pense également que nos personnalités n’ont pas beaucoup changé. Nous avons changé de style de vie, mais il est toujours le vendeur et je suis toujours le spécialiste des chiffres. C’est ce que nous avions décidé dans la cave de mon grand-père. »
Weiss explique qu’ils ont évité des conflits majeurs grâce à un accord sur le fait que, quelle que soit la question, le dernier mot appartient à la personne en charge du sujet. Les conflits les plus importants ont porté sur le développement. En tant que directeur commercial, M. Baumgaertner veut augmenter le nombre de ses clients. Mais M. Weiss fait remarquer que, même aujourd’hui, la société possède la structure d’une entreprise générant entre 25 et 30 millions de dollars. Elle a dépassé ce chiffre en maximisant son efficacité, mais elle a récemment fait appel à des partenaires en capital-risque pour l’aider à atteindre une plus grande échelle, y compris en dehors de l’Europe.
L’injection de capitaux privés sera cruciale pour la santé à long terme de Cybergroup. Mais M. Baumgaertner compte sur un autre partenaire commercial qui sera tout aussi important pour l’avenir de l’entreprise.
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En décembre dernier, j’ai reçu par courrier un livre de poche sur une entreprise suisse existant depuis 24 ans dont je n’avais jamais entendu parler : bluesign.
Cette entreprise venait de rejoindre la PPAI. Elle emploie, dans le monde, plus de 100 experts en environnement, dont de nombreux chimistes titulaires d’un doctorat, qui travaillent en étroite collaboration avec les fabricants et les fournisseurs pour veiller à ce que la production réponde aux exigences rigoureuses de bluesign en matière d’environnement, de sécurité des travailleurs et des consommateurs, dans le but d’obtenir des certifications textiles. Si la fabrication ne répond pas aux critères, bluesign crée une feuille de route pour l’amélioration.
Le livre raconte l’histoire de la vision de bluesign pour une chaîne d’approvisionnement textile dont l’impact sur la planète et les personnes est considérablement réduit. Ces pages m’ont été recommandées par Rod Brown, un vétéran de l’industrie promotionnelle américaine. Brown parcourt le monde pour promouvoir le besoin d’une plus grande durabilité dans les objets promotionnels et il tire parti de ses relations pour aider les gens à atteindre cet objectif.
Nous nous rencontrons à Las Vegas le lendemain de mon dîner à la PPAI Expo, au cours duquel Brown me présente à plusieurs collaborateurs de bluesign. Bientôt rejoint par Baumgaertner, le groupe insiste sur l’urgence pour les entreprises américaines de suivre l’exemple de Baumgaertner en matière de durabilité et de vérification des allégations environnementales.
Cybergroup était déjà sur la bonne voie depuis plusieurs années avant de devenir un client de bluesign et de commencer à utiliser son influence sur les fournisseurs pour qu’ils testent leurs produits avec l’entreprise. Mais il souligne que l’accès à la méthode de bluesign, qui consiste à tester tous les composants bruts d’un vêtement, ainsi que les teintures et les produits chimiques utilisés dans sa production, a préparé Cybergroup aux nouvelles réglementations strictes de l’UE visant à se prémunir contre le greenwashing, qui entreront en vigueur en 2026.
« Je crois fermement que bluesign est la réponse à cette problématique », déclare Steven Baumgaertner.
L’entreprise a proposé ses services à M. Baumgaertner en 2021, estimant que Cybergroup, qui partage les mêmes idées, était le client initial idéal pour explorer le monde des produits promotionnels. Au cours des trois dernières années, Cybergroup et un certain nombre de ses fournisseurs clés ont investi des dizaines de milliers d’euros pour améliorer la démontrabilité des affirmations de responsabilité des objets.
Dans plusieurs cas, Cybergroup a supprimé des accords avec des fournisseurs de longue date qui ne s’engageaient pas dans la démarche bluesign.
« La seule question qui se posait d’un point de vue financier était de savoir si nous avions besoin d’eux pour rester en activité, explique M. Weiss. Ensuite, peu importe que le montant soit de 2 000, 5 000 ou 50 000 dollars. »
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Selon le PDG Daniel Rüfenacht, le coût moyen d’un partenariat avec bluesign se situe plutôt entre 25 et 30 000 dollars, mais il peut atteindre plus de 40 000 dollars pour les grandes entreprises ayant des besoins complexes.
À l’instar de Cybergroup, bluesign ne cache pas que ses services sont destinés à de gros clients. En plus de tester les objets pour les fournisseurs, l’entreprise cherche à travailler avec les plus grands distributeurs, qui ont une forte influence sur leurs partenaires de la chaîne d’approvisionnement.
Mais lorsque je m’entretiens avec M. Rüfenacht en mars, il ne dispense pas les plus petits acteurs de l’obligation de vérifier leurs allégations environnementales.
« S’ils achètent à droite et à gauche uniquement pour obtenir un prix plus bas, ce sera un défi pour ces entreprises, dit-il. Mais on peut aussi le voir comme une opportunité pour se positionner autrement auprès de leurs fournisseurs. »
Au-delà des préoccupations des petites entreprises de l’industrie, qui luttent de plus en plus contre la concurrence, M. Rüfenacht jette un voile sur les perspectives de l’ensemble de l’industrie si elle ne s’engage pas dans la voie des certifications vertes. Historiquement, bluesign s’est concentré sur les marques de vente au détail (Adidas, North Face et J.Crew figurent parmi ses clients). Celles-ci sont généralement plus susceptibles d’attirer l’attention des organisations non gouvernementales en comparaison d’une industrie plutôt isolée comme la nôtre.
Mais qui peut dire que cela durera toujours ?
En mars, le Parlement français a approuvé un projet de loi imposant une taxe de 10 dollars sur chaque article de fast fashion vendu dans le pays, dans le but de réduire l’impact environnemental de cette industrie. Le projet de loi, qui doit encore être approuvé par le Sénat français, interdit également la publicité pour ces produits.
« Si la France se lance, cela va se répandre dans toute l’Europe, explique M. Rüfenacht. Nous adopterons tous la même loi et, à un moment donné, les États-Unis feront de même. »
Il souligne l’échec probable des Objectifs de développement durable 2030 des Nations unies comme un carrefour géopolitique potentiel. 17 objectifs environnementaux et sociaux ont été adoptés par les pays membres en 2015. Mais à l’heure actuelle, aucun des objectifs ne semble susceptible d’être atteint.
« Les objets promotionnels sont-ils nécessaires ?, s’interroge M. Rüfenacht. C’est de cela qu’il s’agit. À un moment donné, une réglementation entrera en vigueur et nous devrons y faire face. »
C’est la raison pour laquelle il est préférable de raconter cette histoire plutôt que celle des 99 autres distributeurs de la liste. La PPAI s’engage à ce que les progrès du secteur soient connus, et l’association est prête à faire face à toute réglementation qui constituerait une menace.
Mais nous devons tous être conscients des risques qu’il y a à ne pas prendre ensemble des mesures en faveur de la responsabilité.
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Heureusement, la PPAI n’est pas la seule à défendre cette cause. M. Baumgaertner fait partie de ceux qui préféreraient que son gagne-pain ne soit pas interdit.
Il s’est fait le champion de la préservation de l’histoire du médium. Il a été l’instigateur de l’exposition Museum of Promotional Articles, qui a été présentée pour la première fois au salon PSI de Düsseldorf en janvier, et il travaille actuellement sur un projet de livre détaillant le passé, le présent et l’avenir prometteur de l’industrie promotionnelle.
Il considère que ce type de plaidoyer est nécessaire pour faire évoluer le secteur. Comme pour le développement durable, il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’une passion pour que cela en vaille la peine. Il mène notre deuxième entretien depuis son Audi hybride. Mais au cours de cette conversation, il me dit qu’il ne se qualifierait jamais d’« écolo ».
« Je ne cultive pas mes propres légumes dans mon jardin et je n’utilise pas toujours un vélo », dit-il. Ses engagements sont peut-être bénéfiques pour la planète, mais ils ne sont que pragmatiques. Ils ne représentent qu’une partie de l’histoire que Baumgaertner vend à ses clients.
« Chaque fois que nous pensons à une nouveauté, nous essayons d’agir en leader, dit-il à propos de Cybergroup. Peut-être pas en matière de développement durable, mais dans tous les autres domaines, les entreprises leaders aux États-Unis sont beaucoup plus professionnelles, parce que leur taille est bien plus imposante. Mais je pense que l’ensemble du secteur doit devenir plus professionnel. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes persuadés que bluesign a du sens. »
M. Rüfenacht est également un homme d’affaires pragmatique. Le développement de nouveaux marchés, y compris la promotion, a été l’une de ses priorités après sa nomination au poste de PDG en 2021. Bien qu’elle soit spécialisée dans le textile, bluesign peut également évaluer les plastiques et tout produit nécessitant des produits chimiques.
Le secteur promotionnel représente clairement un marché d’avenir.
Depuis son siège suisse, bluesign commence tout juste à courtiser les distributeurs américains. Comme tous les membres de la PPAI, il est possible de trouver bluesign dans le PPAI Solutions Center. Elle est répertoriée dans la catégorie Durabilité, aux côtés de nombreux autres membres offrant des services pour aider les entreprises à répondre à leurs besoins dans le cadre de leur parcours RSE respectif.
C’est ainsi qu’une industrie mondiale œuvre en faveur de la durabilité – et de sa propre durabilité.
Nous ne sommes pas obligés de faire cavalier seul.
www.ppai.org
-Josh Ellis (PPAI)
Source du visuel : Cybergroup.