Les Filosophes : « Je porte donc je suis »
Après plus d’un an de développement, Walomo lance, au premier trimestre 2022, sa marque de textile made in France Les Filosophes. Un projet de réindustrialisation qui s’appuie sur des investissements machines, des savoir-faire et de la transmission de compétences. Et pour lequel le groupe français nourrit de grandes ambitions. Explications avec Simon Wahnich, directeur commercial de Walomo.
Comment est né le projet des Filosophes ?
Historiquement, Walomo a toujours été porté par son sourcing en Chine, où nous disposons d’un bureau de trois personnes, sur le segment des vêtements techniques. Mais nous avons aussi développé en parallèle une activité de signalétique évènementielle, que nous avons décidé de relocaliser il y a maintenant trois ans, en créant un atelier en France afin de répondre aux besoins urgents. Pour le façonnage, nous avons donc recruté des couturiers et investi fortement sur le parc machines. Fin 2019, nous possédions deux machines. Deux ans plus tard, nous sommes à douze machines – découpe laser, découpe CNC, calandres, imprimantes – et douze personnes à l’atelier, dont cinq couturiers et trois opérateurs. Et nous essayons toujours d’étoffer notre parc.
Forts de cet outil industriel et de notre légitimité sur le textile, nous avons commencé à plancher, en novembre 2020, sur la création d’une marque de vêtements made in France, d’inspiration retail. On arrête de penser « textile promotionnel », on pense « retail qui servira pour le segment publicitaire ». À la base, la marque Les Filosophes a été conçue comme si nous voulions habiller nos proches : aujourd’hui, les gens veulent du style. Et si nous avons une forte expertise sur le polyester avec Walomo, cela n’aurait eu aucun sens d’importer de la matière de Chine, donc nous avons ici opté pour le coton, qui vient de beaucoup moins loin. L’objectif industriel, c’est d’avoir un stock planifié, séquencé à l’atelier, avec des dates de réapprovisionnement sur le site et une fabrication à la demande : faire en sorte que les clients ne commandent que ce dont ils ont besoin. Après un an de R&D sur les matières, les accessoires, les couleurs et les stocks, nous arrivons avec un plan de lancement sur ce premier trimestre 2022.
Quel est le paysage actuel du textile made in France ?
Nous sommes au début du made in France, a fortiori dans le textile, où il existe encore peu de projets différenciants, de jeunes marques qui arrivent à fédérer. C’est un segment très éclaté, avec beaucoup de petits acteurs, qui ne font pas de salons professionnels et encore moins de textile promotionnel, avec des offres peu « marketées ». Or, en made in France, il nous faut des locomotives, présentes sur le terrain, car ce n’est pas encore un réflexe. Il faut aussi développer une force de production industrielle, pour permettre aux petites marques de créer et de grandir.
Nous devons faire en sorte que le rapport s’inverse dans les dressings : grâce au made in France, le textile promotionnel, associé à une ultra-personnalisation qui permet de justifier son prix plus élevé – Pantone en petites quantités, accessoires, étiquettes de col personnalisées, boîtes en carton recyclé avec papier de soie – doit même devenir de meilleure qualité que l’offre retail. Il ne s’agit pas pour autant de faire du « China bashing », bien au contraire : chez Walomo, nous continuons de faire du sourcing Asie, qui doit nous permettre de financer le développement de l’usine en France.
Comment pérenniser l’offre made in France dans le textile ?
Au-delà du côté « territoire », les marques made in France doivent raconter une histoire, offrir une vision et un storytelling forts. Les Filosophes proposent tout ça. Quand on explique à nos clients qu’avec cette marque, ils participent très directement à la réindustrialisation du pays, au réemploi et à la renaissance de la filière textile française, ça les touche et ça leur parle. Aujourd’hui, certains de nos couturiers ont 60 ans et ils transmettent en ce moment leurs savoir-faire à deux jeunes qui suivent une formation aux métiers de la mode.
Comment est constituée la gamme des Filosophes ?
Nous démarrons avec cinq produits, disponibles en huit couleurs chacun, sur stock : que du top pour l’instant (tee-shirts, sweatshirts, hoodies), des intemporels, les plus faciles à porter. Mais cette collection ouvre les portes aux polos, chemises et accessoires tels les tabliers. L’objectif, c’est d’avoir du stock et de proposer de la fabrication spéciale avec une gamme de couleurs étendue. À partir de là, on peut tout imaginer, comme le fait d’intégrer un studio graphique à moyen terme. Ce qui fera la différence, c’est le service. En matière de marque, nous travaillons avec des partenaires locaux, en région parisienne, sur de la broderie, de la sérigraphie et du transfert. Dans un second temps, nous pourrons proposer de la bouclette, de la broderie 3D ou des patchs.
Quels sont les développements envisagés ?
Nous envisageons d’intégrer, d’ici deux ans, des produits en lin dans la gamme des Filosophes. La France est le premier pays producteur mondial de lin, notamment en Normandie. Il manque encore des filatures, mais des projets de réindustrialisation sont en cours de développement. Tout sera fait en circulaire, à moins de 200 km à la ronde. La proximité rassure : pour nos clients parisiens notamment, se dire que l’atelier est à moins d’une heure, ça donne confiance. Nous pouvons imaginer aussi proposer demain du polyester recyclé pour certains produits spécifiques comme le sportswear et le teamwear.
Enfin, grâce à notre atelier, nous pouvons devenir un acteur de la réindustrialisation, notamment pour des marques textiles connues. Dans certains pays, il devient plus compliqué de fabriquer, comme en Turquie où la dévaluation de la monnaie et l’inflation pèsent. À moyen terme, nous pourrions devenir fabricant pour des marques B2C, où ne veut pas aller Walomo.