Le rôle de l’IA dans l’objet média s’accroît malgré les obstacles
Journaliste pour l’association américaine de l’objet média PPAI, John Corrigan fait le point, étude de marché à l’appui, sur l’adoption de l’intelligence artificielle aux États-Unis. Un territoire bien en avance sur le sujet par rapport au marché européen, dont le retour d’expérience devrait nourrir les éventuelles réflexions en cours chez les fournisseurs et les distributeurs français.
Par John Corrigan (PPAI).
Comme un symbole de l’engagement de l’industrie promotionnelle américaine dans la révolution numérique, plus de la moitié des distributeurs et fournisseurs du top 100 PPAI* utilisent aujourd’hui l’intelligence artificielle (IA), selon la dernière enquête de PPAI Research. En outre, plus des trois quarts (78 %) des distributeurs du top 100 PPAI et la moitié des fournisseurs font état d’un impact positif suite à la mise en œuvre de l’IA au sein de leur entreprise. « Le rôle de l’IA dans les entreprises de l’objet publicitaire s’accroît indéniablement, et les retours sont positifs dans l’ensemble », affirme Alok Bhat, économiste et directeur de la recherche chez PPAI. « Cependant, cet impact positif varie selon les entreprises. Cela souligne l’importance d’une adoption éclairée de l’IA, entre intégration dans la stratégie globale des entreprises et évolution continue de son application. »
PRIORITÉ POLITIQUE
Quand on sait que les entreprises de l’objet média sont majoritairement dirigées par des quinquagénaires, les chiffres peuvent surprendre. Mark Mancini, fondateur et PDG de Givenly, un distributeur basé à Chicago utilisant un générateur de catalogue alimenté par une IA propriétaire, fait partie des premiers surpris. « Les chiffres sont beaucoup plus élevés que ce à quoi je m’attendais », s’étonne Mancini, qui a déclaré à PPAI Media, en septembre dernier, que l’adoption de l’IA dans le secteur promotionnel viendrait davantage des quelques créateurs de plateformes vendant leur savoir-faire que des entreprises dans leur ensemble. « Cela ne se diffusera pas en dehors d’entreprises comme Givenly, OrderMyGear et d’autres, qui peuvent fournir la technologie aux distributeurs pour qu’ils fassent leur travail plus efficacement », a-t-il martelé.
En attendant, en novembre 2023, le président Joe Biden a publié un décret établissant de nouvelles normes en matière de sécurité sur l’usage de l’IA. Les objectifs de ce décret sont notamment les suivants : donner la priorité au pouvoir fédéral pour accélérer le développement et l’utilisation des techniques de préservation de la vie privée, élaborer des principes et des bonnes pratiques pour atténuer les inconvénients et maximiser les avantages de l’IA pour les salariés, et encourager la recherche sur l’IA à travers les États-Unis par le biais de subventions supplémentaires dans des domaines prioritaires, tels que les soins de santé et le changement climatique.
USAGES VARIÉS
Le taux d’adoption de l’IA parmi les distributeurs et les fournisseurs du top 100 PPAI est respectivement de 59 % et de 55 %, selon PPAI Research. La majorité des deux groupes (78 % des distributeurs et 75 % des fournisseurs) s’appuient sur l’IA pour la génération de contenu dans le cadre d’actions marketing. « Il est logique que l’utilisation principale de l’IA concerne la génération de contenu, car c’est l’application la plus simple à prendre en mains, grâce à des outils comme ChatGPT, Google Bard, etc. », explique Eric Hamlin, responsable chez le distributeur Snappy, basé à New York.
Adrienne Barker, ancienne vice-présidente de la société de distribution Barker Specialty Company, basée à Cheshire, dans le Connecticut, partage cet avis. Elle utilise ChatGPT pour créer les posts LinkedIn de ses clients et incorpore des illustrations générées par IA dans leurs newsletters. « L’utilisation de l’IA dans la génération de contenu est aujourd’hui incontournable. Elle souligne toute la valeur ajoutée que cette technologie apporte aux tâches marketing », juge Mme Barker.
Alors qu’un quart des fournisseurs intègrent l’IA dans leurs stratégies de détection des fraudes et de prévention des contrefaçons, seuls 11 % des distributeurs font de même. Les fournisseurs sont plus nombreux (25 %) que les distributeurs (11 %) à utiliser la technologie pour les recommandations de produits, les traductions en langue étrangère et l’échantillonnage virtuel. À l’inverse, les distributeurs (22 %) sont plus nombreux que les fournisseurs (17 %) à employer des chatbots alimentés par IA, qui sont susceptibles d’améliorer la réactivité de réponse aux clients, en fournissant un service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Une part plus importante de distributeurs (22 %) que de fournisseurs (8 %) utilisent également cette technologie pour générer des propositions de design graphique, relatives à la création de logos et de maquettes, par exemple. Alors qu’un quart des fournisseurs utilisent IA pour l’engagement client, 17 % intègrent la technologie dans l’analyse des données client et la performance des campagnes. Seuls 8 % des fournisseurs l’utilisent pour la gestion des stocks et l’optimisation des prix.
IMPLANTATION DÉLICATE
Toutes les entreprises ne perçoivent pas l’intérêt de l’IA. Selon PPAI Research, un tiers des fournisseurs du top 100 PPAI et 22 % des distributeurs n’ont pas constaté d’impact significatif après avoir mis en œuvre cette technologie. Par ailleurs, 17 % des fournisseurs ne sont pas certains de l’impact, ce qui pourrait indiquer un manque de critères de mesure ou d’éléments de compréhension afin d’évaluer l’influence de l’IA avec précision.
Alok Bhat, qui a travaillé à l’élaboration de solutions d’IA générative chez Accenture avant de rejoindre PPAI en août 2023, explique que la mise en œuvre de l’IA peut poser des problèmes, et que les outils et les technologies adoptés par les entreprises ne sont peut-être pas totalement alignés avec leurs besoins commerciaux. « Pour relever ces défis, il faut combiner le développement des compétences en interne, une gestion du changement efficace et, éventuellement, le passage à des solutions d’IA plus personnalisées », explique le spécialiste, ajoutant que les répondants les plus perplexes pourraient changer de point de vue après une réévaluation de leur stratégie d’IA, une meilleure formation ou une sélection d’outils différents.
La majorité des personnes interrogées (63 % des distributeurs et 60 % des fournisseurs) indiquent que le manque d’expertise en matière d’IA constitue leur principal obstacle. « La majorité d’entre nous essaient de trouver la meilleure façon dont l’IA pourrait contribuer à notre activité », déclare Molly Beavers, CAS, vice-présidente marketing et communication chez Bankers Advertising. Le distributeur basé à Iowa City, dans l’Iowa, utilise actuellement ChatGPT pour créer du contenu à destination des réseaux sociaux, des articles de blog, des articles de newsletters, des plaquettes de présentation et d’autres documents marketing.
En outre, 60 % des fournisseurs (contre seulement 13 % des distributeurs) considèrent que l’intégration de l’IA dans leur organisation existante est un obstacle. « Le défi que représente cette intégration ne doit pas être sous-estimé, pointe Mme Barker. Nous avons besoin de solutions plus fluides, plus simples à installer et adaptées aux besoins spécifiques de l’industrie. » Plus d’un tiers (38 %) des distributeurs déclarent que la résistance au changement au sein de leur organisation constitue une entrave majeure à l’adoption de l’IA. À l’inverse, seuls 10 % des fournisseurs relèvent ce problème, qui pourrait s’expliquer par la crainte de coûts élevés ou d’un retour sur investissement peu évident. Enfin, en termes de cybersécurité, un fournisseur sur cinq affirme être préoccupé par la confidentialité des données, contre seulement 13 % des distributeurs.
*Le top 100 PPAI est un classement des 100 entreprises leaders de l’objet média aux États-Unis, établi sur la base de critères tels que le chiffre d’affaires, la capacité à innover, ou encore la contribution au bien-être des collaborateurs.
Visuel : PPAI Media.