L’objet, média de la sobriété
« L’objet le plus écologique est celui qu’on ne produit pas ». Ces dernières années, ce refrain revient de plus en plus fréquemment. Pourtant, face à la surexposition des messages publicitaires, notamment digitaux, à laquelle nous sommes exposés, l’objet média éco-responsable est aujourd’hui la réponse la plus économique et la plus écologique aux enjeux de communication.
Par CÉCILE FOUGEROUSE, co-fondatrice de DREAM ACT PRO
L’histoire de la communication est aussi vieille que celle de la société. « Sans communication, un groupe ne saurait exister », clamaient les psychologues Fraisse et Piaget dans un ouvrage paru au début des années 1990*. Il est vrai que l’avènement de la société de consommation, dans les années 1960, a intensifié le flux de messages publicitaires, jusqu’à saturer nos esprits de consommateurs. Et nous sommes aujourd’hui exposés, chaque jour, à plus de 15 000 messages publicitaires, selon le chercheur expert des médias Dominique Wolton.
Du spot radio de sensibilisation à la vaccination au retargeting Google de notre futur canapé, en passant par la vidéo Instagram de la dernière tisane amincissante, notre temps de cerveau disponible est devenu un véritable marché. Mais alors que l’objet publicitaire ne représente qu’à peine un trentième du marché global de la communication, il est montré du doigt par certains communicants. Il est en effet plus facile de constater l’impact négatif d’un « goodies » que celui des nombreux serveurs nécessaires à la diffusion d’une publicité sur TikTok.
LA COMMUNICATION PAR L’OBJET, AUSSI EFFICACE QU’UTILE
Certes, l’objet mal pensé, sélectionné sur un unique critère de prix, n’est ni efficace, ni utile, ni souhaitable pour l’environnement. Cependant, croire qu’une communication dématérialisée serait plus écologique est un leurre. Derrière nos écrans se cachent des serveurs ultra consommateurs d’énergie.
Car de plus en plus de publicités passent par les réseaux sociaux : les dépenses dans la communication digitale ont été multipliées par 100 ces 20 dernières années. Or, derrière chaque publicité Instagram, Facebook ou TikTok, des milliards d’images et de vidéos chargées de data font appel à des serveurs. Le numérique émet chaque année, en France, 24 millions de tonnes de gaz à effet de serre, et ces publicités représentent 39 % du poids des pages web sur lesquelles elles se trouvent, selon la fondation Mozilla.
Bannir l’objet média, mais augmenter son budget sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, n’a donc aucun sens environnemental. L’objet média constitue l’un des trois médias préférés des Français** et sa durée de vie peut s’avérer illimitée ou presque, s’il est bien choisi : le boycotter n’a donc pas non plus de pertinence économique.
FAIRE MOINS DE TOUT, MAIS MIEUX PARTOUT
Nous en revenons toujours à la même conclusion : le monde tournera mieux quand nous ferons preuve de bon sens. Entre ne pas communiquer du tout et matraquer à tout va, il existe certainement un juste milieu. Les citoyens français en ont bien conscience : 67 % d’entre eux souhaiteraient être exposés à moins de communications, mais de meilleure qualité.
La sobriété, cela consiste aussi à pas tomber dans les dérives de l’instantanéité. Une story Instagram dure quelques heures, une affiche dans le métro dure quelques jours… Alors qu’un objet média utile dure plusieurs années ! Vous aussi, vous la voyez encore partout cette célèbre carafe jaune à l’apéro ?
Alors oui, stop aux « goodies » et à l’infobésité, mais longue vie aux objets utiles et bien pensés, qui soutiennent des emplois locaux et des savoir-faire artisanaux, et qui utilisent des matières écologiques.
*Traité de psychologie expérimentale, Paul Fraisse et Jean Piaget, 1991
**Les comportements de consommations des médias par les Français, une étude de Florian Escoubes pour la 2FPCO, enseignant chercheur à Toulouse Capitole, 2020