Sérigraphie : dans les profondeurs de la fiche d’atelier…
Il y a quelques temps, nous avions abordé le sujet de la fiche de travail et souligné la nécessité pour un sérigraphe de rassembler toutes les informations importantes relatives à une production sur un seul document. Il est temps aujourd’hui d’aller plus loin et d’utiliser cet outil de la meilleure façon qui soit. En effet, en intégrant les notions de planning, de qualité et de difficulté technique, de compétences, de puissance de production, de réalisme, de challenge, d’urgence, de logique, etc., la fiche d’atelier est (ou devrait être) le lien entre les différents acteurs des entreprises de sérigraphie.
La fiche de travail, le bon de commande, la carte verte ou la fiche de route sont autant de déclinaisons de la fiche d’atelier que nous utilisons tous. Chacun crée la sienne, la dessine et l’organise à sa manière, en noir et blanc ou en couleurs, avec ou sans copie, avec ou sans numérotation, en réservant des espaces aux informations qui lui semblent indispensables.
Ce document devient un outil et on s’empresse donc d’en imprimer un certain nombre pour s’en servir au plus vite…, puis on la modifie un peu car on se rend compte qu’une zone de plus pour la date ou pour le mode de livraison serait utile. On en fait donc un outil encore plus précis, plus complet surtout.
Jusque-là, rien de nouveau ! Il est certain que nombre d’entre nous se reconnaîtront dans ce paragraphe, ayant bien des fois remanié leur fiche de travail pour la rendre plus pratique et la personnaliser. De même, beaucoup se rendront à l’évidence en lisant ce qui suit.
La fiche d’atelier n’est rien si elle n’est pas lue, utilisée et comprise par tous !
Ca y est, on est dans le vif du sujet : l’organisation d’une entreprise d’impression sérigraphique sur textile. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : imprimer sur textile, et gérer en parallèle la vente d’un produit et celle de la décoration.
Sans se voiler la face, on peut affirmer que, si aujourd’hui les techniques de marquage sont au point, connues, testées, éprouvées, paradoxalement la plus-value générée par la décoration et la transformation du textile est de plus en plus faible. Cette plus-value a diminué, comme la valeur de base du tee-shirt blanc, qui a accompagné la baisse du dollar et l’augmentation des productions asiatiques. La conséquence directe de cette diminution est la fonte des budgets disponibles pour investir de façon régulière dans un équipement d’impression au top de la technique.
Pourtant, même si la partie « décoration » est moins importante que par le passé dans la facturation à nos clients, on ne peut pas se permettre de « bâcler » la besogne et de risquer une diminution de la qualité synonyme, à juste titre, de retour de commandes.
Car attention, si nous ne nous comportons pas en « pros », la raison d’être de notre métier risque de disparaître à court terme. L’imprimeur textile d’aujourd’hui doit être un négociant, un « trader », mais il doit aussi assurer le contrôle technique de ses productions. C’est son organisation et justement sa fiche d’atelier qui va l’y aider.
Une organisation générale structurée autour de la fiche
Nous allons donc traiter ici d’un sujet brûlant : l’organisation réelle de l’atelier, du bureau de ventes, du studio graphique, de la préparation des commandes et du contrôle de qualité, en construisant tout autour de notre « sacrée » fiche.
Vous n’y voyez pas encore très clair ? C’est normal. Plantons à nouveau le décor : une imprimerie textile au sein d’une structure plus grosse. Voyons comment elle se « charpente », puis qui fait quoi et quelle est l’importance de la fiche dans tout ça.
D’abord, l’organigramme
Pour bâtir notre organigramme d’atelier, nous nous sommes inspirés d’une entreprise connue (pas de pub, pas de pub !) et nous l’avons représentée de la manière la plus réaliste possible.
Cette entreprise a l’avantage d’être une « vieille boîte » avec trente-cinq ans d’expérience de la sérigraphie et des références à faire pâlir. Sa structure administrative et technique est complète, avec une grande spécialisation en impression graphique (plastiques, plexis, autocollants, verre, tampo, etc.) et une production textile que personne ne pensait développer vraiment, sans doute en raison des faibles marges dégagées par ce secteur et des problèmes trop nombreux à gérer (assortiments de tailles, imprévus en hors stock chez les fournisseurs, etc.). Suite à l’acquisition d’un portefeuille commercial « textile », à l’engagement du personnel qualifié pour en assurer l’exploitation et à l’investissement dans un complément de matériel, son challenge était (et est toujours un peu) de réussir à harmoniser les forces en présence et surtout les deux « départements » graphique et textile, dont le travail est si semblable et si différent à la fois !
Enfin, la fiche
Juste après la planification, la fiche (ou sa copie) prendra le chemin du studio graphique, du magasin pour préparer la marchandise, de la clicherie, de l’atelier pour l’impression, puis du service commercial et de la comptabilité, en passant par le contrôle qualité et l’enregistrement des paramètres quand cela est possible. Ouf !
La spécialisation est une très bonne chose, mais elle entraîne toujours un peu l’isolement des équipiers. Le meilleur (ou doit-on dire le plus mauvais ?) exemple des conséquences de cet isolement est la répétition de mauvais films (ou non adaptés au travail du moment) par le studio, sans que personne ne réagisse.
Il faut absolument retenir que la fiche est un aide-mémoire infaillible. Une synthèse parfaite qui rassemble à elle seule l’historique d’un travail, les modifications éventuelles, les infos clients, les données techniques complètes, les étapes de production, etc. Si on l’a pensée correctement, et qu’on fait en sorte que son cheminement soit idéal, elle devient le « document de référence » de l’imprimerie textile. Son enregistrement de façon automatique ou régulière est le sommet de la démarche « qualité » pour l’entreprise. Le genre d’outil incontournable si on pense un jour adopter une démarche ISO avec une éventuelle certification à la clef. Et imaginez, en plus, ce que la fiche d’atelier peut amener comme gain de temps sur le plan technique : un réassort, « mêmes teintes que la dernière fois », vous connaissez ?
Cette démarche peut paraître très lourde à gérer, mais détrompez-vous : avec les outils informatiques que nous avons aujourd’hui à notre disposition, il est possible de réaliser tout cela assez rapidement et efficacement. Le plus difficile est certainement de trouver un moment pour le faire, une période de calme ou de congé. Mais surtout, il faut faire en sorte que la méthode, la fiche et le planning soient le centre d’intérêt de toute l’équipe. Une chose importante à savoir : avec un organigramme « fermé » au niveau de la communication, on n’évolue pas !
Quelques conseils utiles
– Bâtissez votre organigramme sans tarder (qui fait quoi ?).
– Avant d’établir votre fiche d’atelier définitive, posez-vous la question de savoir si tout ce qui est important figure sur le document. Sinon, modifiez-le.
– Un petit dessin est parfois plus compréhensible qu’un long discours. Faites dessiner vos clients !
– Soumettez des « bon à tirer » à vos donneurs d’ordre.
– Si vous avez un problème pour la planification, faites appel aux techniciens : ils sauront évaluer avec plus ou moins de précision le temps qu’ils passeront sur telle ou telle commande.
– Faites des copies du planning pour vos différents partenaires.
– Utilisez les e-mails ou les notes écrites. On les oublie moins vite !
À vous de jouer !
Jean-Jacques Poucet