Sérigraphie textile : gérer ses couleurs et contrôler ses coûts
Au moment d’acheter son encre de sérigraphie textile le professionnel a plusieurs options. Il peut acheter une couleur standard prête à l’emploi, commander une préparation Pantone à son fournisseur, mélanger les teintes disponibles en stock ou encore utiliser un système de mélange de couleurs. La solution choisie devra répondre à une contrainte de temps et de coût. Revue des différentes options avec Mathieu Litzer.
En sérigraphie textile, mélanger soi-même ou utiliser un système de mise à la teinte : quelles questions faut-il se poser ? Dans lesquelles de ces affirmations vous reconnaissez-vous ?
- Mon atelier n’utilise que 5 couleurs (noir, blanc, rouge, jaune, bleu).
- Mon coloriste a l’oeil pour les couleurs et les obtient du premier coup tout le temps.
- Mon atelier se trouve à proximité immédiate d’un fournisseur d’encres.
- Toute l’encre nécessaire se trouve déjà mélangée et disponible sur les étagères.
- Je ne porte pas d’attention au prix du kilo d’encre et du volume d’encre en stock.
Si vous avez répondu « oui » à toutes ces affirmations, vous n’avez pas besoin d’un système de mélange d’encres. Si vous avez répondu « non », la question devient légitime.
Lorsque l’on mélange soi-même, il convient d’ajouter au prix d’achat de l’encre le temps passé à formuler. Si l’on n’obtient pas la teinte du premier coup, le temps de préparation s’en trouvera rallongé et l’on aura probablement préparé plus d’encre qu’il n’en aurait fallu pour la commande. Enfin, en cas de risque d’erreur de formulation, on n’est pas à l’abri d’un retour client. S’y ajoutent, alors, le cas échéant, le coût de remplacement et les coûts de transport en express pour une commande d’une mise à la teinte chez le fournisseur d’encres.
Réaliser une teinte à partir de divers pots disponibles dans l’atelier n’est pas toujours simple car de nombreuses couleurs standards sont déjà obtenues par mélange de teintes et ne sont donc pas monopigmentaires. De ce fait, il en résulte une impossibilité technique de formuler certaines couleurs, les teintes vives en particulier. Il en est de même de la formulation avec les teintes dites « super opaques » qui contiennent déjà d’origine beaucoup de blanc.
Certaines teintes Pantone existent en standard chez les fournisseurs d’encres. C’est le cas du 485C par exemple, mais peu sont ainsi disponibles. Il faudra les stocker. C’est donc une solution coûteuse, si leur utilisation n’est pas régulière.
Une autre possibilité serait de faire la teinte à partir d’un système de mélange proposé par les fabricants d’encres.
Quels sont les différents systèmes de mélanges disponibles ?
Avant toute chose, un système de mélange offre reproductibilité, précision et flexibilité. Préparer une teinte devient rapide, économique et à la portée de tous. Le sérigraphe est alors totalement autonome, n’attendant plus avec anxiété l’arrivée de son transporteur. Il sait facilement reproduire une teinte, même en cas d’absence de son coloriste attitré – s’il a la chance d’en possèder un dans son équipe. On distingue deux principaux systèmes de mélange…
Teintes de bases prêtes à l’emploi
Le premier système consiste à utiliser des teintes mono-pigmentaires de base, prêtes à l’emploi, et à les mélanger pour produire les teintes du nuancier Pantone, grâce à des recettes préétablies. On dispose de 15 couleurs capables de formuler toutes les teintes du nuancier : 10 couleurs mono-pigmentaires de base (dont le blanc et le noir) et 5 teintes fluorescentes. La formulation est calculée pour une maille 62 imprimée sur un fond blanc (sur sous-couche blanche ou sur un vêtement de couleur claire). Si on prend l’exemple d’un jaune Pantone 102C la formule se présente comme suit:
- Epic Mixing white – Blanc de mélange : 531,91 g (53,19 %)
- Epic PF Yellow – Jaune : 255,32 g (25,53 %)
- Epic PF Fluo Yellow – Jaune fluorescent : 212,77 g (21,28 %)
La teinte sera donc opaque grâce au blanc et sera fraîche grâce au fluorescent jaune. Ce système est disponible pour les plastisols.
Base et concentrés pigmentaires
Le second système utilise une base opaque de mélange dans laquelle on ajoute les concentrés de pigments des 10 couleurs de base mono-pigmentaires (dont le blanc et le noir) et de 5 teintes fluorescentes. La formulation est calibrée, là aussi, pour une maille 62 sur sous-couche blanche ou sur vêtement blanc ou clair.
Dans ce système, la formule de notre jaune 102 C devient :
- Epic Mixing Base – base de mélange opaque : 763,88 g (76,39 %)
- Epic Extra White PC – Blanc extra concentré : 111,11 g (11,11 %)
- Epic Electron Yellow PC – Jaune Electron concentré fluorescent : 77,78 g (7,78 %)
- Epic Bright Yellow PC – Jaune clair concentré : 47,23 g (4,72 %)
Là aussi la teinte sera opaque grâce à la base et au blanc et sera fraîche grâce au fluorescent jaune.
Le système « base + concentrés » offre une réelle souplesse à l’emploi. Il a l’avantage de pouvoir utiliser plusieurs bases différentes pour s’adapter à tous types de textiles (coton, polycoton, 100 % polyester) et permet l’utilisation de bases à effets (stretch, puff, HD, etc.). On stocke uniquement les concentrés pigmentaires qui peuvent être ajoutés dans toutes les bases.
Ce système, qui existe pour les plastisols et pour les encres à l’eau, est donc à la fois le plus souple et le plus économique car on va utiliser un maximum de base (près de 80 % contre 20 % de concentrés de pigments à coût plus élevés).
Le logiciel de formulation
Ces formules, également appelées recettes, sont disponibles sous forme de fichiers PDF ou dans le logiciel du fournisseur d’encre, tournant souvent sous Windows sur un PC. Le spécialiste des encres plastisol Polyone Wilflex va même en proposer cet été une version sous Androïd, pour les smartphones et les tablettes, afin que l’utilisation en soit facilitée dans les ateliers.
Mais la fonction du logiciel ne s’arrête pas là. Il peut aussi permettre de calculer la quantité à mélanger en fonction du nombre de vêtements à imprimer, de la surface imprimée et de l’écran utilisé. On évite ainsi les manques d’encre ou les retours de teintes Pantone en surplus.
Le coût de la formule est aussi calculé par le logiciel, en fonction des prix d’achat des encres entrés en mémoire. Mais comme, malgré tout, on ne pourra pas éviter quelquefois des retours d’encre, le logiciel sait les gérer et recycler le Pantone en surplus dans une teinte future. Il corrige alors la formule pour y intégrer le Pantone à recycler.
Pour compléter le dispositif, le logiciel peut être relié à une balance par une prise USB, offrant une aide à la pesée par affichage graphique du niveau du dosage à l’écran. Ce système est très pratique pour éviter les surdosages.
Dosage automatique
Il existe aussi les Dispensers, des machines reliées au logiciel de formulation, qui sont capables de doser automatiquement les encres à partir du logiciel, pour des imprimeurs utilisant de grandes quantités d’encres et produisant de nombreuses teintes quotidiennement.
Une source d’économies
On se rend bien compte à la vue de ces éléments, que la formulation ne se résume pas à une question purement technique. Certes l’imprimeur formulera beaucoup plus facilement grâce à ces aides, mais il réalisera surtout des économies substantielles en adoptant un système de mélange adapté, qui lui permettra, avec un coût de stockage réduit, de réagir très rapidement à la demande de ses clients.
La souplesse procurée par un système de formulation à la portée des employés non coloristes vient encore renforcer la pertinence d’un tel choix. Une fois le personnel habitué à la routine des mélanges, le retour sur investissement est quasi immédiat.
Le point de vue de Alain Logodin
Sérigraphie Fondé en 1982, Graphy Océane a connu une croissance remarquable pour devenir un acteur incontournable dans le marquage textile (publicitaire, vêtement de travail, prêt-à-porter). Depuis 2013, l’entreprise intègre le cercle très fermé des sérigraphes IMPRIM’VERT. Par ailleurs, Graphy Oceane a adopté pour la sérigraphie textile depuis plusieurs années le système de mise à la teinte et utilise un équipement de dosage automatique de Wilflex. Entretien avec Alain Logodin, responsable de production. Propos recueillis par Mathieu Litzler
De plus, si d’aventure la teinte est délicate à obtenir et que vous n’avez pas préparé assez d’encre pour votre commande il vous faudra recommencer l’opération. Il sera alors difficile de retomber exactement sur la même teinte.
Pour Graphy Oceane, le système de mise à la teinte s’est donc imposé naturellement ?
Oui, avec ce procédé on peut reproduire les teintes à l’infini. Nous savons qu’il nous faut être vigilants sur certains tons clairs, mais globalement les teintes sont stables et précises, on n’a pas d’inquiétude là-dessus. Le système est relativement opaque. Il offre un bon compromis lorsqu’on imprime sur textiles clairs ou foncés.
Vous avez poussé votre démarche jusqu’à investir dans un système de dosage automatique, pourquoi ?
Avec notre croissance, il devenait important d’embaucher un coloriste. C’est alors que nous avons réfléchi au « Dispenser » d’encres deWilflex. Très vite nous nous sommes rendu compte de l’intérêt d’investir dans cet équipement.
La simplicité du système de mise à la teinte et du dispenser fait que nous avons aujourd’hui 11 personnes capables de l’utiliser. Il nous permet de préparer les teintes quasi en temps réel lors du calage de la machine et de travailler presque en temps masqué. On entend les pompes travailler, pendant que l’on fait autre chose alors qu’un système avec balance bloque l’opérateur.
La machine nous apporte une flexibilité certaine et nous l’utilisons même pour de faibles quantités.
En conclusion, je dirais qu’au niveau de l’équipe de production, de par sa fiabilité, le système de mise à la teinte nous apporte une forme de tranquillité. C’est important pour garantir la productivité de l’atelier et cela nous libère du temps pour nous consacrer à d’autres problèmes.
Mathieu Litzler